2010. GRAND REPORTAGE ITALIE – MINES DE MANGANESE
ITALIE, DANS LES MINES DE MANGANESE !
Un projet européen « quand la pierre brute devient bijou ! » dans le cadre du programme Comenius, mais qui se décline aussi en projet avec nos partenaires des écoles italiennes, avec cette nouvelle action « Trans Europe Centre », mise en place par le conseil régional. Une mine de manganèse incroyable dans les montagnes italiennes vers Gênes nous offre un gisement fabuleux de pierres brutes, pour certaines inédites en bijouterie, braunite, serpentine, jaspe… Et la ville de Valenza, avec nos partenaires dans les écoles de bijouterie, qui nous ont initiés à la taille de ces pierres brutes, à l’art du lapidaire qui permet de transformer ainsi le matériau brut en bijou fini et finement poli… Un projet commun sur deux années avec les lycéens italiens des écoles partenaires…
dimanche 22
Départ matinal, on s’est tous donné rendez-vous à 7.45 devant le lycée désert du dimanche matin. 658 kilomètres précisément à parcourir aujourd’hui avec le car de Philippe, « Fifi » notre chauffeur pour ce projet minéralogique, ce grand reportage à travers l’Italie du Nord… Donc, mieux vaut se faire à l’idée d’avaler du kilomètre dans cette journée, journée couleur autoroute et autocar… Auvergne… Saint-Etienne… Un repas froid sur une aire d’autoroute… Les Alpes… Le tunnel… Toujours les Alpes… Un café sur une aire d’autoroute italienne, premier expresso italien… Torino… Alessandria… Et nous arrivons ainsi à Casale-Monferrato… Ici, on est à l’Est du Piémont, pas très loin de la Lombardie… C’est une petite ville d’environ 36 000 habitants située au bord du Pô, dans une plaine au pied des collines de Monferrat… A quelques kilomètres de là, la ville de Valenza où se trouvent nos partenaires de l’école italienne Isa Cellini… 18.00. L’hôtel Business, à l’entrée de la ville, ce sera notre gite pendant cette semaine… Un petit quart d’heure à pied, notre auberge pour le projet, ça s’appelle « Le Terre del Grignolino ! », une patronne adorable qui nous demandera régulièrement ce qu’elle peut préparer pour nous faire plaisir ! C’était très bon, une cuisine familiale, authentique et dans la tradition des repas du nord de l’Italie… Ce soir, notre invité, c’est Alessandro Montaldi, l’un de nos partenaires depuis de nombreuses années à l’école italienne de Valenza, l’istituto statale Benvenuto Cellini… Alessandro nous a sérieusement aidé à monter ce projet, on lui doit pas mal de combinaisons et d’opportunités de rencontres, il passe le dîner et la soirée avec nous… Réunion de projet rapide et soirée tout aussi courte, la journée dans l’autocar a plutôt cassé les voyageurs, qui découvrent les chambres de l’hôtel, internat insolite de luxe pour cette semaine…
lundi 23
08.30. Petit-déjeuner à l’hôtel… Une vingtaine de kilomètres… Valenza. Nous sommes accueillis à l’école Cellini (du nom du célèbre orfèvre et sculpteur de la renaissance italienne) par Paolo Mazzuco, partenaire de notre réseau européen, et enseignant en DAO à l’école. Jérémy, lycéen français dans cette école italienne deviendra l’un de nos traducteurs réguliers pendant tout le projet… Les élèves de la classe qui suivront le projet avec nous nous accueillent également. Une brève présentation de chacun s’impose ! Nous avons tous eu l’honneur de clamer notre prénom haut et fort !
Visite et découverte d’une salle entièrement dédiée au travail de la fonte à cire perdue. La fusion est une de leurs matières principales dans l’enseignement de la bijouterie. Ils nous expliquent le procédé, leur technique de fonte, ils nous montrent leurs machines, leurs outils, leurs pièces coulées. Les prototypes réalisés dans l’école ne sont pas des objets ou des bijoux spécialement esthétiques, ils servent avant tout de pièces didactiques, à apprendre aux autres élèves les principales techniques de fonte : comment partir du dessin pour arriver à la maquette finale ! Nous apprécions de pouvoir comparer ainsi leurs techniques aux nôtres… Ici, pas de machine automatisée pour la fonte à cire perdue comme nous avons à Jean Guéhenno, c’est avant tout un choix d’apprentissage, nous répond on, la préférence d’apprendre la technique de base, et ensuite dans les entreprises, les élèves italiens auront possibilité d’utiliser des machines automatisées, ou à commandes numériques… Le professeur de cette spécialité nous propose d’utiliser leur outillage et de manipuler… Il faut doser la quantité de cire suffisante pour emplir le moule, c’est la difficulté principale !
Le laboratoire de gemmologie est une véritable caverne d’Ali Baba, un véritable trésor de minéraux. C’est le professeur Orsini, qui nous reçoit, enseignant et aussi expert gemmologue à Rome auprès du Vatican ! Il nous explique les différents procédés actuels de reconnaissance d’une pierre de qualité gemme, par les critères de couleur ou de dureté par exemple…
Les salles d’art appliqué où les lycéens italiens travaillent très différemment de nous pour réaliser les croquis de bijoux…
Il est midi. Départ pour un restaurant très particulier « Cuoco d’Ora », c’est-à-dire la cantine des bijoutiers… Une cantine réservée aux professionnels, aux centaines d’artisans et d’ouvriers bijoutiers, lapidaires ou sertisseurs qui travaillent dans les ateliers et les fabriques de Valenza. C’est plutôt bon là-aussi, copieux et un large choix de pâtes et de plats régionaux est offert…
Début d’après-midi, nous reprenons notre bus pour traverser Valenza de long en large, jusqu’à une zone industrielle, complètement à la sortie de la ville. Le Palais des congrès, c’est un bâtiment récent dans lequel sont organisées les célèbres foires professionnelles à la bijouterie de Valenza. C’est là que nous reçoit Germano Buzzi, ancien directeur de la société des orfèvres de la ville. Il nous présente cette ville étonnante de Valenza avec ses 1000 entreprises et ses 6000 artisans ou employés dans la bijouterie, l’orfèvrerie, la taille des pierres et le sertissage ! Lucide, il ne cherche pas à cacher les dégâts monstrueux qu’occasionne la crise actuelle sur cette économie locale, une catastrophe sociale, là-aussi comme ailleurs en Europe. Ici, en trois années, les ventes au détail ont chuté de… 65% ! Sans commentaire !
Germano Buzzi nous raconte l’histoire de cette ville qui ne possède bien entendu aucun gisement d’or ni des pierres précieuses dans le sous-sol, mais qui est parvenue depuis 1850 à devenir l’un des centres économiques pour la bijouterie les plus importants d’Italie ! Ici, en effet, tout le monde travaille l’or et les pierres précieuses ! Et quand dans l’histoire de la ville, on recherche l’origine et les causes de ce développement, on s’aperçoit que c’est lié au génie des hommes, car ce sont les hommes qui font l’histoire et l’économie… Dans le cas de Valenza, c’est surtout le génie d’un homme vers 1850 qui a fait dériver la ville vers ce centre très important pour les pierres et la bijouterie.
A cette époque, à Valenza, comme dans l’ensemble du monde occidental, il y avait une petite boutique d’orfèvrerie, et le seigneur qui possédait de l’or et des pierres faisait appel à cet artisan pour se faire fabriquer des bagues et autres bijoux. Dans la boutique de l’orfèvre, il y avait aussi un jeune artisan d’une vingtaine d’années qui s’appelait Morosetti et qui connaissait déjà très bien son métier. Morosetti comprit qu’en ce milieu du 19ème siècle, le monde était en train de changer, que quelque chose allait arriver… Alors, il partit faire des voyages, il alla travailler à Turin chez un autre orfèvre, puis à Florence, ensuite il entreprit un long voyage pour l’époque jusqu’à Paris ! Et là, à Paris, vers 1860, il travaille dans la maison Vobourgex, un orfèvre très important au service de la haute noblesse. Ce personnage de Valenza se fit appeler Melchiorre Vincenzo. A Paris, vers 1860, c’est une période importante pour l’évolution de notre métier, nous sommes dans la seconde révolution industrielle, et les produits de l’orfèvrerie sont en train de changer, avec la naissance de la bourgeoisie… Le bijou devient un produit de mode que l’on montre dans les premières vitrines des magasins. Melchior travaille ainsi une dizaine d’années, avec une grande qualité et une intelligence remarquable face aux changements du monde… En 1870, il doit s’enfuir de Paris à cause de la révolution ! Il passe par Londres, et revient en Italie. A Valenza, il fonde une fabrique de bijoux, qui en très peu de temps devient l’une des plus importantes du pays, avec 250 employés en 1880 ! Suite à une période économique très difficile, la maison Melchiorre connaît une crise très grave… mais un deuxième événement extraordinaire arrive ! La maison Melchiorre doit arrêter la production, mais tous les ouvriers ne peuvent pas changer de métier, alors ils forment environ une centaine de petites entreprises dans la ville pour travailler, et cela subsistera jusqu’après la seconde guerre mondiale ! C’est ainsi que le développement du secteur du bijou est né à Valenza, et c’est même un peu grâce à la France ! Germano Buzzi connaît cette histoire par cœur et la raconte avec une précision d’historien et une passion de l’homme du pays.
L’après-midi passe vite… Retour à la ville, où nous sommes attendus dans un établissement de pierres fines et ornementales « Bigem SRL »… Chacun explore les minéraux, les échantillons, à la recherche d’une perle rare, d’une pierre unique, d’un trésor à découvrir…
Le dîner à l’auberge de Casale-Monferrato, et après notre réunion de projet, une rencontre avec Dario Bina, le directeur de l’école partenaire à Valenza, l’école « Isa Cellini ». Dario B. a commencé à enseigner à l’âge de 20 ans, il était professeur d’histoire de l’art, il est citoyen de Valenza, et il a étudié à l’université de Turin. Il a 64 ans et cela fait maintenant 18 ans qu’il est directeur de l’école Isa Cellini. L’Europe est devenue pour lui un paysage incontournable aujourd’hui : « J’aime mon pays, mais je l’aime comme une partie intégrante de l’Europe, d’une Europe sans frontière… Les projets européens entre pays et entre écoles sont vraiment des outils très utiles, pour tisser des liens entre jeunes de différents pays, mais aussi pour ces expériences avec Comenius et Leonardo que nous menons, et qui apportent beaucoup à nos formations ! » De grandes discussions sur l’école en Italie, sur la bijouterie à Valenza et ailleurs, sur l’art et la culture italienne, Dario Bina est un personnage épris de culture, un amateur d’expositions artistiques, de théâtre et d’opéra… La nuit s’est bien installée maintenant. Dodo. Demain, on part pour Milan !
mardi 24
7.30. Tout le monde a rendez vous au petit déjeuner, la tête dans le pâté comme tous les matins ! Et puis, 8.00, c’est le départ de l’hôtel, direction Milan, mais auparavant, on passe par Valenza récupérer nos correspondants italiens et l’un de leurs professeurs. Grand départ pour la Lombardie, pour la capitale du Nord, capitale du design et de la mode, Milan ! Le bus est bien calme, forcément puisque tout le monde dort à poings fermés. Les professeurs profitent de ce silence matinal, mais attention… cela va t-il durer ? Deux heures de route plus tard, Milan s’ouvre à nous, avec comme dans toutes grandes villes, un paysage de périphériques qui s’entrecroisent, d’autoroutes urbaines et d’embouteillages du matin… Milan, c’est aussi un lieu important pour les minéralogistes et les collectionneurs italiens. Le Muséum d’Histoire Naturelle, notre première mission ce matin, renferme des collections très impressionnantes de minéraux.
C’est un vaste monument ancien, ouvert au public depuis le 19ème siècle, le « Museo Civico di Storia Naturale », situé près de la Porte Venezia et du jardin public « Indro Montanelli ». Deux grands espaces sont dédiés à la minéralogie, à la cristallographie, aux fossiles… On en prend plein la tête ! L’une des salles présente les minéraux à travers l’environnement historique, esthétique et scientifique… Des cristaux de soufre parmi les plus gros du monde qui proviennent de la mine d’Urbino… Une londonite, minéral nouveau et rare proche de la rhodizite, extrait dans une mine de Madagascar… Un exemplaire exceptionnel de grenat démantoïde trouvé en Italie dans la région du Val Malenco… Une topaze brésilienne qui pèse 40 kilos !… De nombreux exemplaires de fluorites provenant de Sardaigne… Dans la seconde salle, des échantillons extraordinaires d’or natif prospectés dans le Val d’Aoste… Dans le hall suivant, l’exposition de minéraux se poursuit avec une quarantaine de vitrines très didactiques qui illustrent les classements et les caractéristiques minéralogiques. Et encore, des « phénomènes » exceptionnels comme ces minerais provenant du Malawi, ou encore une exposition sur les zéolithes des îles Féroé !
Belle matinée, où chacun espère prospecter et échantillonner des minéraux aussi surprenants demain dans le site de Gambatesa… Photo de groupe obligatoire sur les marches du Muséum… Personne n’y échappe, mais où est donc passé Aurélien ? Personne n’échappe à la photo, on a dit… Nous partons à pied vers le centre de Milan, la place San Babilo, la cathédrale de Milan comme point de repère… Déjeuner rapide au milieu des magasins de luxe et des boutiques de mode, c’est ça aussi Milan ! Seconde mission du jour, deux parcours à accomplir, l’un auprès des grands noms du design, l’autre auprès des stylistes… Lâchés ici dans Milan… et shuttt !!! il ne faut pas le dire, nous n’avons pas pu résister à l’appel du shopping… il ne faut pas le dire…
Milan, c’est vraiment la capitale internationale du design ! Tous les grands noms sont là. Toutes les dernières tendances de création s’affichent dans les vitrines… Les stars du design, comme Alessi, où vous découvrez tous les objets des plus grands designers comme Philippe Stark par exemple, Cassina, la grande classe du design italien, c’est un peu la référence des maîtres, on y trouve du Philippe Starck toujours, mais aussi Le Corbusier ou Mackintosh… Partout ailleurs, dans les rues Manzoni, Durini, Santa Cecilia, des boutiques présentent des collections étonnantes de mobiliers, d’objets étranges aux formes pures et dépouillées, de lampes et d’éclairages hallucinants… Tous, très classe !
Capitale de la Mode également. Les stylistes sont les rois à Milan. Grands couturiers et jeunes créateurs stylistes, magasins tendance et boutiques « chicos », la mode est partout, les grands noms également… Via Montenapoleone, un haut lieu de l’élégance classe… Bulgari, Vuitton, Armani, Gucci, Prada, Versace, Valentino… Plus loin, via della Spiga, c’est le temple « Dolce & Gabana »… Et le monde de la mode et du style se décline ainsi d’enseignes en vitrines jusqu’aux superbes Galeries Victor Emmanuel II…
Cathédrale de Milan, c’est le lieu de rendez-vous, il est 17.30, les flâneries dans les rues s’achèvent, direction l’autocar, chacun discute et raconte ce qu’il a vu, ce qu’il a découvert, ce qu’il a acheté, de l’état de ses pieds, en compote bien sûr… Le trajet en car est finalement salutaire pour gagner un peu de repos. Retour à Casale, via Valenza où nous laisserons nos partenaires italiens… Arrivés à notre auberge de Casale-Monferrato, la descente des escaliers du bus est plus que difficile, on aurait dit une bande de personnes âgées dans un voyage du troisième âge ! Amusant à voir.
Après le dîner, nous restons avec notre invité du jour, Paolo Mazzuco, prof à l’école partenaire italienne… Et, après cette journée à Milan, nous cherchons à en savoir plus sur le design, made in Italy… C’est quoi finalement un objet design ? « Le design est une production en série de produits dits « artistiques » qui suit la mode et le temps et qui passe avec les années. On y répertorie l’art déco, le contemporain, etc… Les fabrications de produits design sont faites par machine, l’homme n’intervient que dans la commande de ces appareils. » On est à la frontière de l’art et de l’industrie… loin d’une démarche artisanale, mais au cœur d’une recherche créative… Et alors, pourquoi Milan ? Pourquoi Milan est devenue la capitale du design ? « Milan est la capitale du design car beaucoup de jeunes architectes, industriels ainsi que des créateurs concepteurs dans d’autres corps de métiers comme la peinture, la photographie, le cinéma et la bijouterie se sont tous installés à Milan après la deuxième guerre mondiale : c’est le début du design italien ! Suite à cela, une école a été ouverte pour aider ces jeunes designers à se lancer dans des projets plus conséquents. Ces derniers prennent vie grâce aux différents corps de métiers existants dans l’école, où l’entraide entre les élèves est omniprésente. Les bonnes idées affluent de partout même si le manque d’argent ne permet pas toujours de lancer les projets… Du coup, ces jeunes se sont unis avec les grands noms du monde industriel de Milan afin de faire naître leurs créations avec les moyens nécessaires… et leur coopération fonctionne à merveille puisque les fabrications italiennes en matière de design sont de renommée mondiale ! » L’implantation de la ville de Milan dans le nord de l’Italie facilite également l’importation des marchandises, des matières premières ainsi que l’exportation de leurs produits, avec des voisins et des marchés européens assez proches comme la France ou l’Allemagne… Et designer aujourd’hui, c’est quoi ? Pour Paolo M., le designer type à Milan, c’est ce personnage qui est capable de concevoir un produit en harmonisant les critères esthétiques et fonctionnels : « Il est ainsi l’interface entre les services commerciaux qui déterminent les besoins des clients et les services fabrication. Il réunit les impératifs des uns et des autres pour les formaliser en un produit dit intelligent ».
Nous rêvons de designers de bijoux… Une autre histoire… Pour aujourd’hui, tout le monde retrouve sa chambre et nous tombons tous dans nos lits.
mercredi 25
Lever très tôt ce matin-là, et départ 7.30 en bus, dans le brouillard… Autoroute italienne, direction Alessandria, puis Genova, nous partons pour la région voisine, la Ligurie, la région du grand port de Gênes… Nous longeons le golfe de Genova, direction la cité de Lavagna, célèbre économiquement pour l’exploitation d’ardoises, d’ailleurs toutes les maisons des villages avoisinants en sont recouvertes… Après Lavagna, nous allons entrer dans le Parc régional dell’ Aveto, c’est là que nous découvrirons les mines de manganèse de Gambatesa ! Un peu au bout du monde, en haut de la montagne, tout au loin d’une petite route sinueuse et accidentée… Traversée héroïque de petits villages dans ces montagnes, on a bien failli rester coincés dans un virage avec le bus !
En bas de la mine… A peine descendus du bus, certains dans l’équipe commencent à ramasser des cailloux… Nous sommes accueillis par Luka, un guide de la mine, qui nous dirige vers les escaliers qu’on doit emprunter pour arriver au refuge. Au bout de 126 marches et de trois pauses, il nous a fallu reprendre notre souffle. Personne n’a abandonné ! Il faut dire que vu l’environnement, on n’a pas trop le choix, la marche arrière ne mène nulle part ! Notre arrivée est prévue de longue date, et l’équipe de la mine nous attend au refuge avec impatience et intérêt, tant notre projet de reportage et de création de bijoux avec le manganèse leur paraît étonnant ! Luka nous conduit au sous-sol du refuge, où il nous demande d’enfiler des charlottes et des casques jaunes, type Bob le bricoleur ! Histoire de se protéger dans les galeries, de ne pas se perdre dans l’obscurité et de céder à quelques séances photos mémorables !
Un train avec wagonnets de mineurs nous attend pour la grande aventure ! Bien installés dans nos wagonnets, on s’engouffre sous la montagne, la lumière s’éloigne ! Le fond sonore est plutôt glauque. L’eau ruissèle sur les parois de la mine. Il fait nuit noire, et la température est stable, entre 16° et 18°… Le train s’arrête, il faut descendre. Notre expédition au centre de la terre se poursuit à pied à travers les galeries, et Luka à chaque détour de la visite, nous explique toutes les techniques et l’histoire de la mine. La mine de Gambatesa fut découverte par Auguste Fage, un mineur français, elle fut ouverte dès 1875, et se compose aujourd’hui de 7 niveaux de galeries reparties sur 37 kilomètres.
Nous nous trouvons actuellement dans la troisième galerie qui mesure 2km, formée de plusieurs autres petites galeries. Pour arriver à cette première étape de la mine, nous avons parcouru 600 mètres avec le petit train. Sur le sol, tout au long de ce trajet à l’intérieur de la mine, nous avons remarqué qu’il y avait de l’humidité et même de l’eau, celle-ci provient de l’infiltration de la pluie par la roche sédimentaire, composée notamment par le jaspe… Ici, tous les repères sont différents. Les galeries sont nommées par rapport à leur hauteur au dessus du niveau de la mer. La troisième galerie par exemple se nomme 550. Luka ajoute « ici, il y a une différence de 20 mètres environ entre chaque galerie. »
Autrefois, la mine Gambatesa employait jusqu’à 300 personnes, mais actuellement il n’y a plus que deux employés et seulement deux galeries continuent à être exploitées. L’épuisement du minerai et le coût de revient trop élevé ont conduit progressivement à la quasi fermeture du site… Nous poursuivons à la lueur des torches et des lampes frontales notre expédition souterraine. Luka poursuit le récit de l’histoire de Gambatesa : « Cette mine exploite le manganèse, qui se trouve à l’intérieur de la braunite, qui elle-même est contenue dans une roche rougeâtre, le jaspe. Il y a quelques dizaines d’années encore, cette mine était la plus riche en manganèse de toute l’Europe ! Aujourd’hui les deux galeries qui fonctionnent encore rapportent 900 tonnes par an de minerai de manganèse. Ce manganèse prospecté ici n’est pas exporté vers l’étranger, mais est utilisé en Italie pour fabriquer des alliages de métaux et pour la réalisation des vitraux. »
Dans cette mine, plus de 130 minéraux différents ont été trouvés et identifiés par les minéralogistes. Outre le manganèse, on trouve d’une façon assez importante du cuivre, de la calcite, de la cuprite, du quartz… mais aussi en quantité moindre, l’anatase, la rhodochrosite, la tanzanite… et même des raretés dites « localités type » comme la palenzonaite ou la medaite, des pierres uniques ! La plupart de ces minéraux bien entendu n’ont pas été trouvés en assez grande quantité pour une quelconque exploitation. Mais, vu l’étendue et l’importance des gisements, d’autres découvertes peuvent encore être prometteuses !
L’exploitation des galeries commence par le haut de la mine, et au fil du temps, les mineurs descendaient de plus en plus profondément. C’est pourquoi, les galeries, mais aussi les outils et installations les plus anciens sont dans les niveaux supérieurs, et les machines les plus modernes dans les niveaux inférieurs. Pour extraire le minerai, pendant longtemps, la technique se limitait à trois étapes : faire un trou, y mettre de l’explosif, puis tout faire exploser ! Aujourd’hui, toutes les machines utilisées fonctionnent au moyen d’un compresseur à air… Mais jusqu’en 1905, les galeries se creusaient à la main, les mineurs étaient alors par groupes de deux, l’un tenait la baramine horizontalement et l’autre frappait dessus avec un marteau de 10 kg. Et ainsi, pour creuser en profondeur seulement 15 cm, cela représentait 10 heures de travail par jour !… En 1930, les mineurs se servaient d’une nouvelle machine automatique de 20 kg qui se portait sur l’épaule, elle creusait plus rapidement, mais provoquait beaucoup de poussière, dangereuse pour les mineurs, qui avaient ainsi hérité d’une espérance de vie entre 40 et 45 ans à cause de la silicose !… En 1950 enfin, arrive une nouvelle machine que les mineurs ne devaient plus porter. Cette nouvelle machine plus performante creusait 3 mètres de tunnel par jour, et fonctionnait avec l’eau de la mine, ce qui évitait la poussière…
Les troisième (550) et quatrième (570) galeries ont fermé successivement en 1939 et en 1950. Et, enfin, en 1965 a été découvert un gisement de manganèse qui constitua la plus grande extraction de cette mine. En l’espace de 30 ans, 6000 tonnes de manganèse furent extraites ! Ce gisement fut fermé il y a 5 ans, nous n’avons pas pu visiter cette zone, car les conditions de sécurité ne sont pas réunies et les parois ont tendance à s’effriter… Etre mineur a toujours été un sacré métier ! Pour se rendre au travail à la mine, à ces époques, les ouvriers devaient déjà grimper dans la montagne pendant 1h30… Et d’ailleurs, en Italie, lors de la guerre seuls deux professions furent exemptées de partir pour le front, les mineurs et les fermiers ! Leurs productions aux uns comme aux autres étaient certes vitales également pour l’économie du pays. Près d’une centaine de femmes travaillaient également à la mine, elles travaillaient à l’extérieur des galeries pour trier le minerai, et cela par n’importe quel temps, à moins de 0°C l’hiver, jusqu’aux plus grosses canicules de l’été, elles aussi avaient des conditions de travail très difficiles. « Ce métier ne s’invente pas, on naît presque mineur, il est transmis des parents aux enfants, c’est ce que l’on peut appeler une extraction de père en fils ! » rappelle Luka.
Aujourd’hui, les ouvriers de la mine de manganèse y travaillent encore toute l’année, 8 heures par jour, de 6 heures le matin jusqu’à 14 heures, 5 jours par semaine, ils sont payés 1600 euros par mois… Notre expédition se poursuit, et nous découvrons des anciens charriots qu’on utilisait pour transporter le minerai, et qui s’ouvrent vers l’avant afin de vider leur cargaison de roches… Nous remarquons les poutres en bois qui retiennent le plafond de la galerie, « c’est du châtaigner, ce bois émet un sifflement ou un craquement très particulier lors d’un éventuel éboulement, et les mineurs reconnaissaient ce bruit… » Nous traversons une autre galerie dont le plafond est recouvert de quartz sur près de 50 mètres de largeur ! Les questions ne cessent pas… Nous montons puis descendons des escaliers très étroits et extrêmement glissants… Il nous faut maintenant retrouver le train, reprendre place dans notre wagonnet pour rejoindre la surface de la mine… Ebahis par cette expédition, éblouis par la lumière du jour…
On déjeune au refuge des mineurs, le repas a été préparé par eux, spécialement pour notre groupe… Une soupe avec des pâtes comme les mineurs d’autrefois pouvaient en déguster ! Plutôt bonne… et tout un assortiment de charcuterie délicieuse, accompagnée de tartes salées typiques de cette région. Un déjeuner solide et nourrissant, et nous repartons tous, avec nos sacs à dos pour prospecter dans la carrière, à la quête de trésors ! Evidemment la prospection s’appelle « échantillonnage », elle est exceptionnelle et en relation avec notre projet (créer des bijoux avec les minéraux ne nécessite pas des échantillons trop volumineux, cela rassure !) Les responsables de la mine nous accompagnent, nous indiquent les zones de prospection, et nous montrent les bancs de serpentine sur le flanc de la montagne… Le site est superbe, tout le monde cherche, gratte, creuse, fouille et espère trouver la plus belle serpentine, le plus beau fragment de jaspe rouge ou de manganèse !
Le manganèse… C’est un minerai déjà connu sous l’Antiquité, et son nom provient de « Magnesia », une partie de la province grecque de Thessalie… Le manganèse est un métal gris-blanc qui ressemble au fer, un métal dur et fragile à la fois, de densité 7,2. Il existe dans la nature à l’état d’oxydes et on l’utilise surtout aujourd’hui pour la fabrication d’aciers spéciaux.
Le manganèse semble même être connu depuis la Préhistoire. Des peintures de plus de 17 000 ans ont utilisé le manganèse comme pigment. Les Égyptiens et les Romains se sont eux aussi servis de composés du manganèse dans la fabrication du verre, pour le colorer ou le décolorer. On a trouvé également du manganèse dans les minerais de fer utilisés par les Spartiates, et certains pensent que l’exceptionnelle dureté de l’acier sparte provenait de la production accidentelle d’un alliage fer-manganèse ! Au 17ème siècle, avec le minerai de manganèse, le chimiste allemand Johann Rudolf Glauber réussit à produire le permanganate, et dans la première moitié du 18ème siècle, l’oxyde de manganèse était utilisé pour la fabrication du chlore… Le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele fut le premier à reconnaître que le manganèse était un élément, et son collègue Johan Gottlieb Gahn isola le manganèse pur par réduction du dioxyde de manganèse avec du carbone… Si bien que vers le début du 19ème siècle, bien avant l’ouverture de la mine de Gambatesa, des scientifiques commencèrent à étudier l’utilisation du manganèse dans la fabrication de l’acier, et obtinrent des brevets. En 1816, on remarqua qu’ajouter du manganèse au fer le durcissait sans le rendre pour autant plus cassant, cette découverte fut déterminante et conditionna son utilisation future…
Près de 90 % de la production de manganèse est en effet utilisée pour la préparation d’alliages, principalement d’aciers. On retrouve ensuite cet alliage dans les rails de chemin de fer, les aiguillages, l’outillage, les roulements, les coffres-forts, ou les socs de charrue ! L’acier, dont sont fabriqués tous ces produits, va compter jusqu’à 14% de manganèse ! Des propriétés physiques étonnantes : il possède une résistance élevée contre la corrosion et il est amagnétique. On utilise également ce type d’acier pour les barreaux et pour les portes de prisons, car si un prisonnier souhaite les limer, cela provoque un durcissement du métal ! Le manganèse est également utilisé pour augmenter la résistance des alliages d’aluminium, ou encore pour les piles électriques. En biologie, il s’agit d’un oligo-élément indispensable à l’efficacité de la vitamine B1…
On l’utilise enfin pour la coloration du verre, ou comme pigment noir dans des céramiques ou des briques par exemple… En matière de santé, le manganèse est un oligo-élément nécessaire à l’homme pour survivre mais deviendrait toxique si sa consommation était trop importante. On le trouve principalement dans le seigle, le riz complet, le soja, l’avocat, les haricots verts, les épinards, les noix, l’huile d’olive, le jaune d’œuf, les huîtres, le thé et les herbes de Provence. Il est ainsi utilisé par le cerveau et le système respiratoire. Il s’agit d’un élément essentiel dans la synthèse d’enzymes importantes dans la lutte contre le stress oxydant !
Et on peut aussi… en fabriquer des bijoux ! Ça, c’est nouveau, et c’est notre défi ! Près de deux heures de prospection de minéraux, sur terrain évidemment accidenté, à la recherche de la pierre unique et historique ! Dans cette roche de manganèse, chacun d’entre nous finit par découvrir des merveilles minéralogiques, des serpentines vertes, du jaspe rouge, de la braunite grise aux reflets parfois multicolores, des pierres avec de petits cristaux de quartz… Les employés de la mine nous détaillent en italien ou en anglais les caractéristiques des pierres les plus exceptionnelles que nous avons pu découvrir. Fin d’après-midi déjà, il est temps de repartir, de redescendre, de se résigner à quitter notre terrain de jeu, chacun avec sa récolte, et d’entreposer ces richesses le plus soigneusement possible dans les soutes de l’autocar…
Plus aucun bruit. Les 126 marches de la descente du retour de la mine ont achevé les plus vaillants. Extenués par cette journée, la plupart d’entre nous s’endorment. Quelques deux heures de route, pas mal de virages, des paysages de montagne chatoyant avec la lumière du soir… 18.40. Notre hôtel à Casale Monferrato. Une douche après cette journée bien chargée, et beaucoup de résistent pas à laver leurs pierres pour découvrir le premier effet obtenu une fois la poussière enlevée, puis direction notre auberge Terre del Grignolino… Repas très bon et copieux, comme chaque soir… Cours briefing, le temps d’écriture sur les carnets de bord… et d’accueillir notre invitée, Raphaëlle.
Une rencontre étonnante pour finir cette journée. Raphaëlle nous retrouve à l’hôtel. Il y a quelques années encore, elle était lycéenne à Jean Guéhenno. Elle a suivi le même cursus scolaire que nous, un CAP Art du Bijou, suivi d’un BMA et d’une Mention Complémentaire Sertissage… Elle a découvert comme nous quelques aventures européennes avec les reportages du Mur à l’étranger et un stage en entreprise en Italie avec le programme Leonardo, lors de sa classe de Première BMA… A l’issue de ce stage, l’idée lui est venue de retourner en Italie pour y travailler. L’échange culturel et l’apprentissage de nouvelles techniques comme le sertissage l’ont complètement séduite. Elle décide pour ces raisons de poursuivre sa formation avec une mention complémentaire de sertissage, et une fois tous ses diplômes obtenus, elle part… travailler en Italie ! Elle ne parlait pas encore italien à l’époque ! Les débuts ne sont pas simples… Mais Raphaëlle a des ressources, des compétences et est farouchement déterminée pour réussir ! Aujourd’hui, cela fait plus d’un an qu’elle travaille à Valenza, loin de sa famille restée en France. Elle parle et comprend parfaitement l’italien, elle adore cette langue. Cette année, elle a même acquis une certaine dextérité technique dans l’art du sertissage. Elle travaille dans un petit atelier composé de trois personnes, qui réalisent des travaux essentiellement de sertissage. Le travail du métal, c’est avant tout de la bijouterie avec la technique de fonte à cire perdue. Raphaëlle, elle, sertit des pierres, la plupart du temps des diamants aux diamètres 1,2 à 1,8 ! Son salaire est basé sur un montant fixe, puis un complément qui s’établit à raison de 30 à 90 centimes d’euros pour chaque pierre sertie ! Raphaëlle est toujours aussi enchantée de cette expérience, parfaitement bilingue, elle a consolidé une double formation en bijouterie et en sertissage… et ne se lasse pas pour l’instant de cette « dolce vita » à l’italienne !
jeudi 26
Retour sur Valenza. Nous sommes attendus à l’institut de formation professionnelle For.Al, ce nouvel établissement partenaire du PLE qui assure à Valenza une part importante de la formation et des approfondissements professionnels dans les métiers du bijou, du sertissage et de la taille. Nous sommes accueillis par Isabella Miozzo, coordonnatrice pédagogique et Veronica Porro, directrice de For.Al. Les locaux sont plutôt récents et très bien adaptés. On découvre une salle destinée à la fonte à cire perdue, un enseignant nous fait visiter l’atelier de micro fusion, et nous explique qu’ici les élèves apprennent le rattrapage de fonte et la technique des moules. Plus loin, le four de cuisson avec les cylindres. « Il s’agit de déposer le métal dans les creusets, et de les faire chauffer à 1200° ! Nous avons ensuite une machine qui permet de faire couler ce métal dans le plâtre, on ne le fait jamais manuellement… Une fois le métal dans le plâtre, on trempe l’ensemble dans l’eau, afin de créer un choc thermique… Et enfin, nous disposons d’une autre machine qui projette de l’eau sous pression pour nettoyer toutes les pièces de la fonte… » C’est clairement professionnel, et visiblement en phase avec les entreprises locales.
L’enseignant de For.Al nous explique ensuite que les élèves ont 3 ou 4 heures d’atelier de fonte par semaine, soit environ 50 à 60 heures annuelles dans leur formation… Ils changent ainsi de poste de travail tout au long de l’année pour bénéficier de tous les apprentissages. A un autre étage, le laboratoire de gemmologie et de taille de pierres constitue un espace réputé et prisé dans la ville de Valenza. Dix postes de travail pour le métier de lapidaire. Et l’atelier de sertissage, où les élèves viennent de réaliser des plaques très particulières dédiées aux plus grands maîtres bijoutiers, orfèvres et lapidaires de la ville de Valenza…
Les ateliers de bijouterie sont plutôt semblables aux nôtres. Mais, l’apprentissage paraît plus rapide et les classes sont limitées à 19 places. Les élèves de 1ère année commencent mi septembre. Pendant les deux premiers mois, ils apprennent à scier et lors des mois suivants à souder, chaque élève poursuit son apprentissage à sa propre vitesse. Ils disposent au début de chaque nouvelle phase d’apprentissage d’un nombre d’heures précis, par exemple, pour apprendre les bases du découpage sur 7 pièces simples, ils ont 25 heures ! Sur l’ensemble de l’année scolaire, ils bénéficient de 280 heures d’atelier en première et seconde années, et de 300 heures pour la troisième année. Côté matériel, au début de sa formation, l’élève de For.Al doit acquérir une mallette avec pinces, brosse, réglet, bocfil, grosses et petites limes. L’élève paye 200 euros. L’école fournit le reste.
Le président de For.Al nous retrouve. Marco Melchiore ! Oui, oui, le descendant direct du fameux Melchiore qui lança puis développa la bijouterie et la taille des pierres à Valenza. Il nous renseigne sur le statut de cette école qui compte 525 élèves… L’école fut créée en 1972 par la région du Piémont, et elle devint privée en 1988, elle appartient aujourd’hui à la Mairie de Valenza et à l’association des producteurs de bijoux de la ville. Ce centre de formation est donc totalement lié aux entreprises. Les cours sont gratuits, aussi bien les formations de base pour les élèves mineurs, que les cours pour les plus âgés dans le cadre du monde du travail. Les formations sont aidées par le fonds social européen à raison de 3 400 000 euros pour les quatre écoles que comprend For.Al. Paysage très particulier de relations école – entreprises, Marco Melchiore nous rappelle que nous sommes ici dans un espace très spécifique : « Il y a à Valenza 1200 bijoutiers, lapidaires ou sertisseurs qui fournissent des bijoux pour le monde entier. La production a commencé ici il y a plus d’un siècle. En 1873, mon arrière grand-père a créé son atelier… et par la suite, les employés qui travaillaient avec lui ont monté eux-mêmes leurs propres fabriques, jusqu’à la situation actuelle ! »
Déjeuner à la cantine des bijoutiers ! et retour à l’école Benvenuto Cellini. Opération initiation à la taille de pierres. « Quand la pierre brute devient bijou ! », c’est la thématique de notre programme européen… Et bien, l’idée, c’est maintenant de ressortir nos pierres brutes prospectées hier dans la mine de manganèse, et d’apprendre à les travailler ici, avec nos partenaires italiens.
A l’école Isa Cellini, une enseignante en taille de pierres nous accueille avec plusieurs élèves italiens qui poursuivent le même projet que nous. Nous sortons des sacs plastiques nos trésors minéralogiques devant l’œil de l’enseignant spécialiste, et opérons rapidement le choix des pierres qu’on souhaite tailler et qui deviendront par la suite une composante de nos bijoux !
Nous commençons par apprendre à faire un plat sur l’un des côtés de la pierre à l’aide d’un disque recouvert d’une pâte qu’il fallait humidifier régulièrement avec un pinceau. Ensuite, l’enseignante dessine à chacun d’entre nous une forme particulière de taille selon nos pierres, en s’appuyant pour cela en un clin d’œil sur la structure et la composition minéralogique…
Aidés par cette forme prédéfinie, nous retournons alors sur le disque pour obtenir la forme dessinée. Pour parvenir à une forme de cabochon, la pierre doit être fixée sur une tige en métal avec au bout du ciment, et à l’aide d’un mouvement circulaire, nous obtenons petit à petit la forme désirée… Et enfin, dernière étape, le polissage à partir d’un disque beaucoup plus doux.
Au bout de quelques heures, nos pierres brutes ont toutes pris une forme plus ou moins élaborée. Belle initiation, et un désir de chacun, de pouvoir un jour reprendre ces techniques… Fin d’après-midi à Valenza, le temps de passer chez quelques grossistes de matériel en bijouterie. Et là, d’ailleurs, vous pouvez vous acheter un atelier de lapidaire au complet ! Une véritable caverne avec des outillages de toutes natures, certains outils qu’on ne trouve pas en France, d’autres moins chers, et certains dont nous avons besoin pour poursuivre le projet en rentrant au lycée… Poursuivre la taille de nos pierres, celles du moins qu’on utilisera sur les bijoux de notre future expo !
Retour au bus, il est temps de rentrer à l’hôtel. Au restaurant du soir, ça se termine par un gâteau et un « happy birthday » en italien, c’est l’anniversaire de Céline ! Elle ne s’y attendait pas, du moins pas de cette façon là !
Notre invitée pour ce dernier soir, c’est Axana… Une ancienne élève de Jean Guéhenno, elle aussi fascinée par l’Italie lors des projets européens du Mur au lycée, et qui a décidé d’y retourner, elle y travaille depuis cinq ans maintenant ! Axana Fouilhoux a un parcours extraordinaire. Elle vient de Russie, et elle est venue en France pour étudier la bijouterie au lycée Jean Guéhenno. Elle poursuit sa formation avec le CAP en 3 ans, et le BMA en 2 ans. Elle participe aux différents projets d’ouvertures de l’époque, et elle découvre l’Italie lors de son stage en entreprise à Valenza, avec une bonne partie de la classe… Elle décide alors de ne plus décrocher de l’Italie.
Son BMA terminé à Jean Guéhenno, elle décide de continuer là-bas, à Valenza la poursuite de ses études… L’école partenaire Isa Cellini va énormément l’aider à mettre son projet en place. Pendant deux années, elle suit des stages de gemmologie, de taille de pierres, puis se spécialise dans le dessin et la création. Elle apprend l’italien bien sûr, ce qui lui assure une quatrième langue après le russe, le français et l’anglais…
Pour trouver du travail en Italie, elle commence à chercher dans les annuaires professionnels, elle visite tous les sites d’entreprises sur internet, et finalement se permet de choisir une première piste, la meilleure à son goût ! Axana travaille toujours aujourd’hui pour la marque Ambrosi ! Une entreprise de haute joaillerie qui fabrique des bijoux, des pièces parfaitement uniques, pour le monde entier, le Japon, la Russie, l’Arabie Saoudite, et l’Europe ! C’est Axana qui dessine et qui crée tous ces bijoux… Elle doit viser une clientèle très aisée, les bijoux sont tous des pièces uniques qu’elle étudie souvent en fonction de la personnalité du futur acquéreur ! On est là dans de la très haute joaillerie. Les budgets sont illimités ! Elle peut par conséquent donner cours totalement à son imagination, aucune restriction ! A côté de ses créations exceptionnelles, elle développe chez Ambrosi, une autre gamme de produits pour des collections beaucoup plus accessibles à un public plus large… Mais, on ne se lasse pas d’écouter d’Axana raconter et nous montrer ses dessins, ses esquisses, ses gouachés… Des créations parfois complètement insolites : des ornements de sacs, des flacons de parfum totalement empierrés, tout comme des stylos, des branches de lunettes, ou des pieds de flûtes à champagne ! Le client est totalement roi ! Plus celui-ci est exigeant, plus Axana est motivée pour innover et pousser loin ses créations !
Minuit, et promis, avant de quitter Axana, on se promet de l’inviter prochainement au lycée, son histoire est trop extraordinaire pour qu’elle ne la raconte pas à tous dans l’équipe ! Promesse tenue, sans doute l’année prochaine… Minuit, et demain dernière journée avec le retour en France.
vendredi 27
Casale Monferrato, ce vendredi matin… Entre les dernières visites, les bagages incontournables pour libérer les chambres de l’hôtel, et les dernières discussions avec nos partenaires italiens… Bilan du projet. Souvenirs à jamais gravés. Et déjà, les perspectives prochaines, boucler les carnets de voyages, classer le stock de photos, organiser le reportage complet pour l’édition du Mur, préparer les pierres pour la prochaine séance d’atelier, poursuivre la taille à l’aide de ce tour offert par l’école italienne il y a quelques années pour le 20ème anniversaire du Mur… Et puis, concevoir, créer, composer les bijoux qui deviendront les pièces de l’expo collective…
Souvenirs et projets… Et déjà, l’autobus, mené de main de maître par Fifi traverse le Piémont, le Val d‘Aoste, les Alpes, les autoroutes de l’Est de la France et nous achemine progressivement vers le lycée, point d’arrivée de ce projet. Merci à tous.
création collective,
Mylène Bleyzat, Rachel Bourdin, Marie Candoni, Coline Chamignon, Mélanie Colin, Alexandra Coursolles, Audrey Daney, Juliette Davies, Emilie Diaz, Marine Espirt, Nicolas Ferreira, Florian Frein, Noémie Gautier, Gwendoline Guermonprez, Florian Jouvet, Vanessa Laminette, Marion Landieth, Aurélien Larrieu, Emilie Lecrocq, Julie Leduc, Céline Louveau, Nicolas Malfroy, Perle Payraudeau, Aurel Pierres, Eva Robert, Alexandre Rolet, Ingrid Thibault, Cécile Turpinat
et
Nicolas Vessereau.